Et voilà, Juillet bien entamé nous amène tranquillement à la Fête Nationale.
Défilé, bal des pompiers, feu d'artifice, tout ce qu'on est en droit d'attendre d'un 14 juillet quoi.
En ce qui me concerne, la gratouille des voyages m'ayant reprise, je file à Berlin dès demain soir.
Je ne pense pas que nos voisins allemands fêtent le 14 juillet, mais peut être la bière ?
Quelques photos sur mes réseaux (a)sociaux préférés sans doute.
En attendant mon retour, je vous propose une petite recette très gouteuse, celle de la Confiture de Nouilles, dont l'auteur Pierre Dac avait été surnommé le roi des loufoques en son temps.
Je vous conseille également la petite vidée fabriquée par un copain de ma Nounouille préférée.
En ce moment, je fonctionne beaucoup par rapprochements d'idées, et je ne sais pas pourquoi le mot "nouilles" me semble tout à fait de circonstances...
Attention quand même, ne confondons pas la confiture de nouilles avec le fameux "collier de nouilles" ni avec "le cul bordé de nouilles" qui feront peut être l'objet d'un autre billet.
Bon week-end prolongés à ceux qui peuvent le faire, bonne vacances aux autres, et bon boulot à ceux qui restent (et oui, il en faut quand même).
"La Confiture de Nouilles, qui est une des gloires de la confiserie française et dont nous allons vous démontrer les différentes phases de fabrication, remonte à une époque fort lointaine; d’après les renseignements qui nous ont été communiqués par le conservateur du Musée de la Tonnellerie, c’est le cuisinier de Vercingétorix qui eut, le premier, l’idée de composer ce chef-d'œuvre de la gourmandise.
Il faut reconnaître que, d’ailleurs, la nouille n’existant pas à cette époque, ladite confiture de nouilles était faite du gui ; mais alors, me diront les ignorants : "Ce n’était pas de la confiture de nouilles, c’était de la confiture de gui !" Erreur, que je leur répondrai: c’était de la confiture de nouilles fabriquée avec du gui.
Avant d'utiliser la nouille pour la confection de la confiture, il faut évidemment la récolter; avant de la récolter, il faut qu’elle pousse, et pour qu’elle pousse, il va de soi qu’il faut d’abord la semer.
Les semailles de la graine de nouille, c’est-à-dire les senouilles, représentent une opération extrêmement délicate. Tout d’abord, le choix d’un terrain propice à la fécondation de la nouille demande une étude judicieusement approfondie. Le terrain nouillifère type doit être, autant que possible, situé en bordure de la route départementale et à proximité de la gendarmerie nationale.
Avant de semer la graine de nouille, les nouilliculteurs préparent longuement le champ nouillifère pour le rendre idoine à la fécondation. Ils retournent la terre avec une charrue spéciale dont le soc est remplacé par une lame Gillette, ensuite délaissant les engrais chimiques, nettement contre-indiqués dans le cas présent, ils fument le champ nouillifère avec du fromage râpé. Cette opération s’effectue indifféremment avec une seringue ou une pompe à vélo.
Lorsque le champ est suffisamment imprégné de fromage râpé, on verse sur toute sa surface de l’alcool de menthe dans la proportion d’un verre à Bordeaux par hectare de superficie; cette opération qui est confiée à des spécialistes de l’École de Nouilliculture, est effectuée avec un compte-gouttes.
Après cela, on laisse fermenter la terre pendant toute la durée de la nouvelle lune et dès l’apparition du premier quartier, on procède alors aux senouilles de la graine de nouilles. Il ne faudrait pas vous imaginer, Mesdames et Messieurs, que la graine de nouilles est d’un commerce courant et qu’on la trouve communément chez les grainetiers ; si vous croyez cela, il est indiscutable que vous broutez les coteaux de l’erreur. La graine de nouilles ne s’obtient qu’après une très longue préparation de laboratoire, car elle est le produit d’un croisement de foie de veau avec le concombre adulte; voici d’ailleurs quelques précisions sur cette merveilleuse con]onction qui est la gloire de nos chimistes, dont la science n’a d’égale que la modestie.
On met côte à côte, dans une lessiveuse, une tranche de foie de veau et un concombre adulte, on place le tout dans un autoclave et on l’y laisse 45 jours à une température de 120º sous la bienveillance d’un contrôleur de la Compagnie du Gaz; au bout de ce laps de temps, on ouvre l’appareil et on n’a plus qu’à recueillir la précieuse graine que l’on va verser dans la terre prête à la recevoir et qu’elle va féconder.
Les senouilles s’effectuent à l’aide d’un poêle mobile dans lequel est versée la graine, laquelle est projetée dans la terre par un dispositif spécial dont il ne nous est pas permis de révéler le secret pour des raisons de défense nationale que l’on comprendra aisément. Après ça, on arrose entièrement le champ avec des siphons d’eau de seltz, on sèche ensuite avec du papier buvard, on donne un coup de plumeau et on n’a plus qu’à s'en remettre au travail de la terre nourricière et à la nature immortelle, généreuse et démocratique. Lorsque les senouilles sont terminées, les nouilliculteurs qui sont encore entachés de superstition, consultent les présages; ils prennent une petite taupe, la font courir dans l’herbe et si elle fait : "ouh!" c’est que la récolte sera bonne; si elle ne fait pas "ouh!" c’est que la récolte sera bonne tout de même, mais comme cela les croyances sont respectées, et tout le monde est content.
Pendant la germination, il n’y a presque rien à faire ; tous les huit jours seulement, on arrose le champ avec de l’huile de cade, de la cendre de cigare, du jus de citron et de la glycérine pour éviter que la terre ne se crevasse.
Pendant la moisson, les nuits sont témoins de saines réjouissances auxquelles se livrent les travailleurs de la nouilliculture, la jeunesse danse et s’en donne à cœur joie aux sons d’un orchestre composé d’un harmonium, d’une mandoline et d’une trompette de cavalerie ; les jeunes gens revêtent leur costume régional composé d’une redingote, d’une culotte cycliste, d’espadrilles et d’un chapeau Cronstadt ; les jeunes filles, rougissantes de joie pudique, sont revêtues de ravissantes robes de toile à cataplasme, ornées d’empiècements en schpoutnoutz, et se ceignent le front d’une couronne d’œufs durs du plus gracieux effet Un feu d’artifice tiré avec des lampes Pigeon clôture la série des réjouissances et chacun rentre chez soi, content du labeur accompli, pour procéder alors à la confection de la confiture de nouilles, objet de la présente étude.
La nouille encore à l’état brut, est alors soigneusement triée et débarrassée de ses impuretés; après un premier stade, elle est expédiée à l’usine et passée immédiatement au laminouille qui va lui donner l’aspect définitif que nous lui connaissons – le laminouille est une machine extrêmement perfectionnée, qui marche au guignolet-cassis et qui peut débiter jusqu’à 80 kilomètres de nouilles à l’heure – ; à la sortie du laminouille, la nouille est passée au vernis cellulosique qui la rend imperméable et souple; elle est ensuite hachée menue à la hache d’abordage et râpée. Le râpage se fait encore à la main et avec une râpe à bois. Après le râpage, la nouille est alors mise en bouteilles, opération très délicate qui demande énormément d’attention ; on met ensuite les bouteilles dans un appareil appelé électronouille, dans lequel passe un courant de 210 volts; après un séjour de 12 heures dans cet appareil, les bouteilles sont sorties et on vide la nouille désormais électrifiée dans un récipient placé lui-même sur un réchaud à alcool à haute tension.
On verse alors dans ledit récipient : du sel, du sucre, du poivre de Cayenne, du gingembre, de la cannelle, de l’huile, de la pomme de terre pilée, un flocon de magnésie bismurée, du riz, des carottes, des peaux de saucisson, des tomates, du vin blanc, et des piments rouges, on mélange lentement ces ingrédients avec la nouille à l’aide d’une cuiller à pot et on laisse mitonner à petit feu pendant 21 jours. La confiture de nouilles est alors virtuellement terminée. Lorsque les 21 jours sont écoulés, que la cuisson est parvenue à son point culminant et définitif, on place le récipient dans un placard, afin que la confiture se solidifie et devienne gélatineuse; quand elle est complètement refroidie, on soulève le récipient très délicatement, avec d’infinies précautions et le maximum de prudence et on balance le tout par la fenêtre parce que c’est pas bon!
Voilà, Mesdames et Messieurs, l’histoire de la confiture de nouilles, c’est une industrie dont la prospérité s’accroît d’année en année, elle fait vivre des milliers d'artisans, des ingénieurs, des chimistes, des huissiers et des fabricants de lunettes. Sa réputation est universelle et en bonne ambassadrice, elle va porter dans les plus lointaines contrées de l’univers, et par-delà les mers océanes, le bon renom de notre industrie républicaine, une et indivisible et démocratique.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire